En quête des plus belles plages du Sud-Ouest australien
10 jours de road trip de Perth à Esperance
« Si tu quittes le Western Australia sans avoir visité le Sud-Ouest, alors tu n’as pas vraiment visité le Western Australia. » C’est ce que certains Australiens m’ont dit, en tout cas. Donc, je les ai pris au pied de la lettre. Moi qui pensais avoir fait le tour des plages paradisiaques en quittant Rottnest Island, où j’avais vécu près de quatre mois, je suis parti pendant dix jours à la recherche des plus belles plages de l’Australie-Occidentale. Après ça, c’est décidé, j’arrête les baignades pour quelque temps.
Puisque l’Australie est le pays des road trips, c’est en voiture que je pars à la conquête des routes. Ou plutôt en minibus en fait. Quand on vit sur une île, le problème c’est qu’on rencontre toujours les mêmes personnes. Donc au final, on ne rencontre pas beaucoup de monde. En partant de Rottnest Island, je n’avais pas trouvé ces fameux compagnons de voyage indispensables pour partager les bons moments (et les frais, aussi, ne nous voilons pas la face). Pas chaud d’investir dans l’achat ou la location d’un véhicule tout seul, je tombe sur le concept de Share Bus. La compagnie propose une location partagée d’un minibus équipé d’une remorque avec tout le matériel de camping nécessaire. Chacun réserve sa place individuellement. Puis une douzaine de personnes (au maximum, nous n’étions que neuf) se rencontrent le jour du départ et apprennent à se connaître en sillonnant les routes ensemble. L’idée ne semble pas mauvaise, je me laisse tenter.
Ces dix jours m’emmènent de Perth à Esperance en longeant la côte qui borde l’océan Indien, avant de revenir à Perth en passant par Wave Rock. Le « South West Loop » (« boucle du Sud-Ouest »), comme on l’appelle ici. Il me faut aussi écrire que ce voyage prend lieu fin janvier, c’est-à-dire la fin des congés scolaires en Australie donc la fin de la haute saison touristique. L’été et l’hiver sont inversés par rapport à l’hémisphère nord où se situe l’Europe, du coup l’année scolaire aussi.
Margaret River : L’océan, des rochers et du vin (3 jours)
Tout le monde est à peine installé dans son siège que chacun a déjà en tête l’excitation du premier arrêt du voyage : le supermarché ! Parce qu’avant de partir pour dix jours de camping, il est plutôt utile de faire le plein de nourriture (et de bières aussi, les soirées sont longues au milieu de nulle part sans connexion internet). Un responsable de Share Bus nous avait conseillé de nommer deux ou trois personnes pour faire les courses histoire d’éviter de perdre du temps. Évidemment, ça ne se passe pas du tout comme ça, on prend trois heures pour faire les courses et on devra y retourner le lendemain pour pallier les oublis de la veille. C’est aussi ça l’aventure.
Finalement, le premier jour, on ne visite que Busselton Jetty, la plus longue jetée en bois du monde. Mis à part la petite satisfaction de boucler les 1,8 kilomètre au-dessus de l’océan Indien, ça n’a pas un très grand intérêt. La plus grande curiosité du moment est l’installation du camp ce soir-là.
Le réveil est dur, la nuit a été courte. Les raisons du manque de sommeil sont nombreuses : l’inconfort des matelas, la fraîcheur des tentes, le nouveau cycle de sommeil davantage calqué sur celui du soleil puisqu’il faut bien profiter au maximum de la journée, et de toute façon, mieux vaut ne pas conduire de nuit en Australie si on ne veut pas manquer d’écraser un animal sauvage… Mais ces inconvénients ne suffisent pas à impacter (suffisamment) la motivation du groupe. On lève le camp et on poursuit la route vers Margaret River, où on passera deux nuits. Les amateurs de vin (que je ne suis pas) seront ravis d’apprendre que le coin est une des régions vinicoles les plus célèbres du pays. Pour les autres ou pour varier les activités entre deux dégustations de vin, plusieurs curiosités rocailleuses bordent également la côte. Le Sugarloaf Rock vaut notamment le coup d’œil. Non loin de Margaret River, il y a aussi plusieurs grottes, la Lake Cave étant assez impressionnante. Par contre, pour les plus belles plages de l’État, on continue de chercher.
Hamelin Bay et Pemberton : Des raies presque domestiques (1 jour)
Ce n’est véritablement qu’en quittant Margaret River qu’on se recentre sur l’objectif initial, découvrir les plus belles plages du Western Australia. Celle de Hamelin Bay ne peut pas encore légitimement revendiquer une place au soleil dans la liste réduite, mais on s’en rapproche. Et puis, surtout, c’est l’occasion d’une rencontre surprenante. Les pieds des touristes dans l’eau semblent attirer les raies pastenagues qui viennent s’y frotter. Ces curieux poissons plats, certains s’étendant sur près de deux mètres de longueur, semblent presque chercher le contact humain, comme un animal de compagnie s’extasiant face à la découverte de nouveaux visiteurs. Chacun se laisse prendre au jeu et s’essaie à caresser les raies. Dire qu’il y a des gens qui ne pensent qu’aux kangourous et aux koalas en Australie.
L’après-midi se conclut avec l’escalade du Gloucester Tree à Pemberton, un arbre de 58 mètres de haut. Quelques piquets métalliques sont plantés dans le tronc tous les trente centimètres et permettent l’ascension, sans la moindre véritable sécurité. Ça semble plutôt dangereux. C’est normal, puisque ça l’est. On prend bien garde de vérifier où on pose le pied pour ne pas risquer la chute. On ne profite pas vraiment du paysage et une fois arrivé en haut, on se retrouve sur une plateforme d’où on ne voit pas grand-chose si ce n’est les branches des arbres voisins. Quel était l’intérêt de grimper jusqu’ici ? L’adrénaline peut-être ? Pas sûr.
Cette nuit-là, on campe en pleine forêt. Pas de réseau, une cabane miteuse avec un trou dans le sol en guise de seuls sanitaires, pas d’eau courante et un sol trop dur pour y planter les tentes… Ah les joies de l’aventure. Sauf que le camping, le seul qui est disponible dans la région où nous sommes, coûte tout de même 7$ par personne. On cherche encore pourquoi…
Denmark : Au pays des géants (1 jour)
Au réveil le lendemain matin, tout le monde prétend avoir passé une bonne nuit. Mais certains visages ne mentent pas : après quelques heures de randonnée et plus de trois heures de route la veille, sans possibilité de prendre de douche, on se sent sale, même si on a beau prétendre le contraire. Ça ne nous empêche pas de repartir directement pour une nouvelle excursion au sommet de la cime des arbres. L’aventure, toujours l’aventure. Un pont suspendu à quarante mètres de hauteur offre une vue agréable sur la Valley of the Giants, du nom des immenses arbres qui composent la forêt. On a fait le tour en vingt minutes, mais ça change des plages pour quelques instants. Car dès que c’est fini, c’est reparti pour s’allonger au soleil.
Sauf que cette fois, la région aux plages incroyables justifie enfin sa réputation. On file aux Elephant Rocks du côté de Denmark (la ville australienne, pas le pays européen). Des dizaines de rochers émergent des nuances turquoise et bleutées de l’océan, semblables à des dos d’éléphant plongés dans l’eau. Pas sûr que la comparaison justifie vraiment le nom de la plage, mais c’est la seule qu’on nous a donnée. Peu importe, c’est magnifique.
Albany, plus précisément The Gap, était ensuite un des points d’intérêt incontournables pointés depuis longtemps sur l’itinéraire. Sur cette petite brèche (« gap » en anglais), les vagues viennent se fracasser avec violence contre les immenses falaises. Sur papier, ça a fière allure, avouez. Le hic, c’est que dans les faits, le lieu est avant tout une grosse attraction touristique, où des centaines de visiteurs issus des quatre coins du monde s’entassent sur une petite plateforme pour contempler l’agitation de l’océan quelques dizaines de mètres plus bas. Certains y trouveront sans doute satisfaction, mais scruter le mouvement de l’eau tout en étant plaqué contre une barrière sous le regard insistant des touristes qu’on dérange en pleine séance photo, ça ne m’a jamais amusé. Et franchement, la vue depuis la plateforme n’a rien de si incroyable. On se demande un peu pourquoi tous ces gens tiennent absolument à se prendre en photo à cet endroit.
Albany et Esperance : Camper sur la plage, la mauvaise idée (3 jours)
Qui n’a jamais rêvé de camper sur une plage en Australie ? S’endormir bercé par le bruit des vagues et se réveiller les pieds dans le doux sable chaud, ça semble assez idyllique. Eh bien dans les faits, tous ceux qui ont déjà planté leur tente dans le sable confirmeront, c’est franchement décevant.
À Albany, on trouve enfin un camping gratuit après une semaine sur la route. Pour une fois, on ne paiera pas dix dollars par tête (au minimum) juste pour planter une tente dans l’herbe et utiliser les sanitaires rudimentaires. En plus d’être gratuit, le site est une plage magnifique, que demander de mieux ? Y accéder avec un minibus et sa remorque en sillonnant les pentes étroites qui sont le seul accès au lieu n’est pas une tâche aisée, mais on se dit que ça doit valoir le coup. Et de toute façon, l’heure tourne et on n’a pas trop d’autre choix si on veut s’installer avant la tombée de la nuit. Dîner en contemplant le soleil disparaissant derrière l’horizon de l’océan, c’est assez incroyable, certes. Mais c’est une autre histoire de s’endormir malgré le bruit assourdissant des vagues, le froid du vent qui frappe la toile de la tente et le sac de couchage devenu un véritable bac à sable. Après, la vision de l’océan au réveil, ça a son charme pour commencer la journée. Se baigner dans l’eau salée en guise de douche matinale par contre, ça rafraîchit, mais ça n’aide pas à se sentir propre pour le reste de la journée. Le dernier avantage, c’est qu’on ramène la plage avec soi dans son sac à dos et dans son véhicule. L’aventure, l’aventure, l’aventure.
Qu’importe, la quête des plus belles plages du Sud-Ouest continue. Le problème, c’est que les jours sont comptés avant la fin du voyage. Du coup, il faut boucler le trajet d’Albany à Esperance dans la journée. En minibus, ça fait tout de même six heures de route à avaler. Pas le temps de traîner en chemin. Un seul arrêt est programmé à Little Beach dans la Two People’s Bay Reserve, non loin d’Albany, réputée pour être un des plus beaux coins pour se baigner en Australie. Little Beach mérite sa réputation. Les coraux donnent à l’eau de multiples variétés de couleur. Les collines sculptent le contour de la baie. Les deux rochers posés sur le sable blanc ajoutent une originalité au tout. On regrette de ne pas pouvoir s’arrêter plus longtemps.
De son côté, si Esperance attire les touristes, c’est principalement pour Lucky Bay, lieu de repos privilégié des kangourous. Quoi de plus incroyable qu’une plage habitée par des kangourous ? Quel meilleur condensé de l’Australie ? Sauf que voilà, vu que les températures tournent autour des trente degrés pendant l’été, les kangourous ne sortent pour bronzer qu’au lever du soleil. Pas fous les marsupiaux. Et bon, on approche de la fin du voyage, l’envie de se réveiller à cinq heures du matin n’y est pas. Pas pour voir un animal omniprésent absolument partout en Australie. Le plaisir de se baigner dans des décors paradisiaques suffit. Les plages d’Esperance n’ont rien à envier à leurs voisines. Le principe est toujours le même : de l’eau turquoise, quelques dégradés de couleur, du sable fin et des rochers. La recette a beau être connue, elle marche toujours.
Wave Rock et retour à Perth : Surfer sur la vague de roche (2 jours)
Reste à rentrer à Perth et à revenir à la vie citadine pour quelque temps. Au départ, si on décide de s’arrêter au Wave Rock (le « rocher vague ») sur le chemin, c’est surtout pour étaler sur deux jours les huit heures de trajet (au minimum, sans doute une heure de plus en minibus). Au final, c’est une des plus belles découvertes du voyage.
La première chose qui frappe en entrant dans cette partie désertique de la région, c’est l’omniprésence des mouches. Ou surtout leur agressivité. Elles se posent tranquillement sur les visages, à peine effrayées par les mouvements de mains tentant vainement de les chasser. À peine dérangées par le spray insecticide que chacun s’asperge de la tête aux pieds. Une fois qu’on a totalement abandonné l’idée de se débarrasser de ces parasites, on part explorer ce fameux Wave Rock. Il n’y a rien à voir à 300 kilomètres à la ronde et pourtant, un immense camping est installé juste à côté, il doit bien y avoir une raison. Effectivement, l’atypique rocher en forme de vague est plutôt impressionnant. Des dizaines de touristes tentent de se photographier en mimant de surfer sur la vague de roche. Original. Mais pas évident de prétendre qu’on est seul sur le cliché quand le rocher n’est pas si grand. L’ascension du Wave Rock vaut finalement autant la peine mais attire pourtant franchement moins de monde. Depuis le haut du roc, la vue est imprenable sur les environs. Ce n’est que du désert, mais ça reste impressionnant. Et le coucher de soleil sublime le tout. Il est magnifique, comme souvent en Australie.
La nuit tombée, on repart pour une ascension histoire d’admirer le ciel étoilé loin de toute pollution lumineuse. Une parfaite conclusion au voyage. Finalement, la plus belle vague du Sud-Ouest australien ne vient pas de l’océan Indien, mais d’un rocher perdu dans le désert. Enfin, une fois qu’on a fait abstraction des mouches. L’aventure.