La Colombie pour tous les goûts et tous les voyageurs
Deux mois pour faire le tour de l’exceptionnelle diversité colombienne
Avant de trimbaler mon sac à dos un peu partout en Colombie, j’ai bourlingué dans de multiples pays d’Amérique latine. Forcément, j’ai rencontré beaucoup de voyageurs aux préférences et itinéraires variés. Quand il s’agit d’énumérer les meilleurs moments d’un long périple qui traverse plusieurs pays du continent latino, ou de citer un coup de cœur en particulier, c’est presque systématiquement la même destination qui revient : la Colombie. Je me suis longtemps demandé comment un pays pouvait autant faire l’unanimité. Ma première théorie était que la mauvaise réputation du pays – la cocaïne, Pablo Escobar, Narcos, tout ça – biaise l’opinion des curieux, surpris que la Colombie ne soit pas aussi dangereuse qu’attendu. Mais après y avoir passé près de deux mois, une nouvelle proposition me vient aujourd’hui à l’esprit. Entre les villes, les déserts, les montagnes, les canyons ou les plages, je ne peux imaginer que quiconque ne trouve pas son bonheur. Chaque étape de mon itinéraire m’a emmené vers des paysages et des climats chaque fois très variés, mais toujours incroyables.
Bogota, une capitale au pied des montagnes (3 jours)
Mon itinéraire débute à Bogota, où atterrit mon vol depuis le Mexique. Comme souvent, je débute mon exploration du pays par la visite de sa capitale. Principale ville de Colombie bien installée à 2600 mètres d’altitude, Bogota n’est pas l’attrait premier du territoire, mais mérite un minimum d’intérêt, ne serait-ce que parce qu’elle est le lieu où vivent la majorité des citoyens. Le centre historique peut se vanter de disposer d’une place principale impressionnante et de quelques bâtiments qui attirent l’œil. Une architecture coloniale s’impose ici et là entre les immenses immeubles modernes. À l’arrière-plan de ce spectacle, quelques sommets montagneux surplombent l’immense cité et annoncent d’entrée de jeu qu’en Colombie, peu importe où vous vous trouvez, les beautés naturelles ne sont jamais très loin.
Comme activités remarquables à Bogota, citons le téléphérique de Monserrate, qui permet le temps de quelques heures de troquer le béton environnant contre l’air de montagne et de contempler la ville depuis les hauteurs. Le museo Botero est un autre incontournable, si pas l’incontournable numéro un. Les principales œuvres du plus célèbre artiste colombien y sont exposées, ce qui justifie déjà la visite. Mais en prime, Fernando Botero a offert au musée divers tableaux et sculptures de sa collection personnelle. De Pablo Picasso à Claude Monet ou Giorgio De Chirico, les noms prestigieux ne manquent pas.
Neiva et Salento, des déserts aux palmiers (4 jours)
J’entame mon tour de Colombie vers le sud, en direction de Neiva et surtout du désert de la Tatacoa. L’excursion est très simple à organiser depuis mon auberge à Neiva. Il faut écrire qu’il n’y a pas grand-chose d’autre à visiter dans le coin.
Le désert de la Tatacoa se compose en réalité de deux parties : un désert gris et un désert rouge. Le tour nous emmène d’abord déambuler entre les roches grises, les cactus et autres fossiles. Pour être tout à fait honnête, c’est loin d’être la partie la plus impressionnante de la région. Ce n’est qu’à la découverte du côté rouge que je me rends véritablement compte de la beauté des lieux. La couleur éclatante n’est interrompue que par le vert de quelques cactus et donne la sensation de se promener sur Mars. Ces espèces de monolithes rougeâtres donnent une ambiance véritablement mystique au lieu. En fin de journée, on admire le coucher de soleil depuis un point de vue qui laisse entrevoir toute l’immensité du désert, magnifique. D’ailleurs, pour l’anecdote, même s’il s’appelle bien « désert de la Tatacoa », il n’est en réalité pas du tout un désert, mais une forêt tropicale sèche. Ne me demandez pas d’expliquer toutes les subtiles différences entre l’un et l’autre, je sais seulement que notre guide n’a cessé de nous le rappeler durant toute l’expédition.
Après Neiva, mon intention première était de poursuivre ma route vers le sud pour Popayán et San Augustín, deux villages idéaux pour les randonnées en montagne. Problème : à mon arrivée à la station de bus, on m’annonce que la route est bloquée pour quatre à cinq jours à cause de manifestations. Tant pis, je m’adapte et remonte vers le nord-ouest jusque Salento, qui était de toute façon la prochaine étape prévue sur mon itinéraire. Ici, les visiteurs débarquent avant tout pour la vallée de Cocora, accessible en 4X4 partagé depuis Salento. Et à raison puisque le lieu est l’un des plus incroyables que j’ai pu admirer en Colombie. D’innombrables palmiers parsèment la vallée au pied des montagnes. Le cadre est sublime. Si bien que, même avec une météo peu clémente, la silhouette des palmiers se dessine timidement derrière le brouillard et offre une ambiance mystique. Même le mauvais temps n’arrive pas à enlever son charme au lieu ! Bon, malgré tout, j’y retourne le lendemain histoire de voir à quoi ressemble tout ça sous un ciel bleu. De nouveau, le décor est grandiose.
Medellín, ses merveilleux environs et son histoire tragique (6-7 jours)
Ma prochaine découverte est l’énigmatique Medellín. Autrefois symbole de la violence en Colombie, elle est aujourd’hui une des villes les plus agréables du pays. Dans les années 80 et début 90, Medellín était surtout tristement célèbre pour être le principal lieu de résidence de Pablo Escobar et du plus important cartel de drogue de l’époque. Elle était alors l’une des villes les plus dangereuses du monde, tiraillée entre guerres de cartels et autres conflits armés entre guérillas civiles. Elle fut longtemps en tête de liste des zones urbaines aux taux d’homicides les plus élevés, atteignant son paroxysme en 1991 avec près de 400 homicides pour 100 000 habitants. Sauf que voilà, aujourd’hui, Medellín s’est parfaitement relevé de son sombre passé et est devenu un véritable modèle de développement urbain. Parfait symbole de ce renouveau, la Communa 13, anciennement l’un des quartiers les plus pauvres et dangereux de Colombie, est désormais le quartier incontournable à visiter. Un escalator moderne traverse les maisons colorées parsemées d’art de rue et avec une vue surplombante sur tout Medellín. Un véritable symbole du renouveau. Une sorte d’espoir.
Outre la ville en elle-même, différents lieux non loin de Medellín offrent aux touristes de quoi s’occuper durant plusieurs jours dans le coin. À commencer par Jardín, petit village perché dans les hauteurs et base idéale pour les randonneurs. J’arrive à une heure plutôt tardive et marche simplement jusqu’à un mirador. Puis le lendemain, je m’attaque à la vraie grosse rando. Il me faut à peu près la journée pour faire l’aller-retour depuis Jardín jusqu’à la Cueva del Esplendor. Le sentier m’emmène à travers les montagnes. Je slalome entre vaches ou chevaux avec toujours une vue sublime, du moins lorsque le ciel se dégage. À l’arrivée, je découvre cette caverne de la splendeur, où une puissante cascade jaillit dans la grotte. Le lieu est très particulier.
Autre incontournable de Medellín, Guatapé et son Peñón se visitent facilement à la journée. D’abord, je grimpe au sommet de l’immense monolithe qu’est le Peñón. Depuis son sommet, j’admire le lac et les innombrables îlots qui entourent Guatapé. Ensuite, je redescends au niveau de l’eau et vogue en bateau autour des différents points d’intérêts du lac. Je passe notamment à côté de l’ancienne villa abandonnée de Pablo Escobar. Encore lui. Mais cette fois, il ne gâche pas le paysage.
Une escale sur une île des Caraïbes, San Andrés (3-4 jours)
Je compte ensuite poursuivre ma route vers le nord. Seul hic, la route qui rejoint la côte caribéenne depuis Medellín n’est franchement pas des plus qualitatives. Le trajet en bus est très long et très cher, autant si pas plus que le trajet en avion. Alors, quitte à voler jusque Carthagène, j’en profite pour faire escale à San Andrés, une petite île plus proche du Nicaragua que du continent sud-américain mais qui appartient pourtant bien à la Colombie.
Ici, l’atmosphère est paisible, le cadre est idyllique. On se dore la pilule sous les palmiers, on se baigne dans l’eau chaude des Caraïbes aux reflets bleutés multiples, on découvre les fonds marins en snorkeling ou en plongée. Sinon, comme endroits marquants découverts sur l’île, je retiens la baie de Rocky Cay, qui fait face à une île minuscule et à une épave de bateau, le coin parfait pour user ses masque et tuba. Plus excentrée, la Piscinita est aussi un paradis pour le snorkeling. Et plus éloignées, les deux îles d’Aquario offrent des couleurs d’eau qui figurent parmi les plus belles que j’ai pu observer sur le continent, mais une foule de touristes ternit un peu l’expérience.
Sur la côte nord du pays, des plages sublimes mais des ambiances très variées (7-8 jours)
C’est en longeant toute la côte nord de la Colombie que je me suis vraiment rendu compte des disparités de ce pays. D’entrée, lorsque j’atterris à Carthagène et qu’un concours de circonstances m’oblige à prendre une chambre dans un logement excentré du centre-ville, je perçois les inégalités. Le centre historique de Carthagène est une sorte d’amas de bâtiments colorés au style colonial. Partout des locaux déguisés en habits typés traditionnels proposent de se prendre en photo avec les touristes qui se réjouissent de ce faux dépaysement. Par contre, lorsque le chauffeur de taxi me dépose à mon logement, il me conseille tout de suite de ne pas sortir dans le coin une fois le soleil couché. Très dangereux me répète-t-il à plusieurs reprises. Le lendemain matin, je traverse tous ces quartiers excentrés pour me rendre dans le centre-ville, qui n’est qu’à trente minutes de marche. Et de fait, je passe d’opposé en opposé. La vision d’une rue en piteux états, d’un trottoir jonché par les déchets et des plusieurs sans-abri endormis à même le sol fait office d’étonnant contraste avec les hauts immeubles à l’arrière-plan et le luxueux centre historique à quelques pas de là. On dirait les images des livres d’histoire illustrant les inégalités sociales.
Je ne me suis pas arrêté à Barranquilla donc ne pourrais rien écrire sur cette ville. Après Carthagène je file directement à Santa Marta et l’ambiance n’est pas vraiment différente. À l’inverse des magnifiques plages environnantes, la ville n’a vraiment rien d’accueillant. Je ne compte plus les histoires d’agressions de touristes dans les environs. L’insécurité n’aide vraiment pas à apprécier la découverte des rues de Santa Marta. En rentrant du supermarché à quelques pas de mon auberge de jeunesse, une fois la nuit tombée, un chauffeur de bus s’est même arrêté à mes côtés pour demander ce que je faisais dehors à cette heure-ci et me conseiller de rentrer à mon hôtel au plus vite. Pas de quoi mettre en confiance. Même ressenti à Riohacha quelques jours plus tard.
Il n’empêche que le coin mérite d’être visité, tant qu’on se tient à l’écart des zones urbaines, j’imagine. Car j’ai découvert dans le nord de la Colombie certaines des plus belles plages du continent. La Playa Grande de Taganga, juste à côté de Santa Marta, est incroyable. Les montagnes se baignent dans l’eau, le soleil se couche à l’horizon, le cadre est idyllique. Plus loin, le parc national de Tayrona abrite lui aussi des montagnes recouvertes de végétation trouvant à leur pied des palmiers au bord de mer. Les décors sont fous et laissent oublier les mésaventures de la ville.
À moins de deux heures au sud de Santa Marta, perché dans les hauteurs, Minca est un autre point de chute incontournable. Un ou deux jours suffisent pour explorer ce paradis des randonneurs, qui vaut incontestablement le détour. Minca est très proche de la ville et de la côte, qu’on peut apercevoir au loin depuis certains des innombrables points de vue du petit village touristique. Mais en même temps, Minca est très loin des paysages de sa voisine Santa Marta. Ici, on se promène sous les arbres dans les montagnes, ces mêmes montagnes qu’on apercevait depuis la plage. On admire la vue, on se baigne au pied des cascades. L’ambiance est merveilleuse et c’est assez fou de profiter d’un tel changement de cadre si proche de la mer.
Dans le désert de La Guajira (3 jours)
Pour boucler mon exploration de la côte, je me dirige vers la région la plus au nord et la plus à l’est du pays : La Guajira. Pour l’anecdote, c’est même là que se trouve le point le plus au nord de tout le continent sud-américain. À la frontière avec le Venezuela, cette région est plutôt difficile d’accès sans passer par une agence, alors je me plie au jeu. Un tour de quatre jours est censé nous faire découvrir certains des plus beaux coins du désert. C’est plutôt réussi. Il n’y a aucune route. Le 4X4 qui nous emmène roule un peu selon les inspirations du chauffeur, suivant parfois les traces des véhicules précédents, parfois non. Niveau visite, on alterne entre falaises rocheuses et dunes de sables au bord des Caraïbes. C’est plutôt dingue d’apercevoir la mer si proche du désert. Il y a un côté un peu surréaliste dans tout ça.
Mais au-delà des paysages incroyables, ce que je retiens surtout de mon passage par La Guajira est ailleurs. Il me faut écrire qu’il s’agit là d’une des zones les plus pauvres de Colombie, le pays n’étant lui-même pas classé dans le top 10 des nations les plus fortunées. Partout sur le chemin, des sortes de barrages artisanaux – deux morceaux de bois plantés dans le sol liés par un bout de corde ou une chaîne de vélo – sont gardés par des femmes ou enfants. Ces derniers mendient généralement un peu d’eau, un morceau de pain ou quelques bonbons pour libérer le passage. Et j’ai tellement vu de ces barrages qu’il m’est impossible de les énumérer. Parfois le 4X4 s’arrête et le guide tend un petit pain ou un petit sachet d’eau aux mendiants. Parfois il continue sa route. Dans les deux cas, le spectacle n’est évidemment pas des plus réjouissants à observer.
Des tours plus longs permettent de s’aventurer davantage dans le désert et de notamment rencontrer des représentants du peuple local des Wayuus. L’expérience doit être très intéressante, mais le temps (et un peu le budget aussi, les tours sont loin d’être gratuits) m’a empêché de rester plus longtemps.
San Gil et autres arrêts sur le chemin de Bogota (9 jours)
Je m’approche désormais de la fin de mes deux mois en Colombie. Je prends la direction de Bogota pour boucler la boucle. Sauf que sur le chemin, j’ai prévu plusieurs étapes. D’abord, je m’arrête à San Gil, à environ sept heures de bus au nord de la capitale. San Gil en elle-même est une petite cité sympathique, mais ses alentours valent, eux, totalement le trajet. Non loin de là, le village de Barichara, très mignon, offre divers points de vue incroyables sur le canyon voisin. Car oui, si San Gil attire les curieux, c’est parce que la ville est située à côté du canyon de Chicamocha. Les environs sont superbes. Quelques randonnées sont possibles dans le coin, mais un détail a de quoi repousser les marcheurs : il fait chaud, mais vraiment très chaud. Ben oui, on parle d’un canyon en pleine saison sèche après tout. L’activité la plus prisée est plutôt le parapente. À raison : la sensation de voler dans les airs est déjà dingue en elle-même, mais l’incroyable vue sur le canyon depuis les hauteurs rend l’expérience totalement inoubliable.
Toujours sur la route du retour vers Bogota, je m’arrête quelques jours dans le (très) petit village de Monguí. Plutôt sympathique, Monguí est pour moi avant tout le point de départ d’une randonnée vers le Páramo de Ocetá. L’expédition nous fait grimper vers les hauts sommets sacrés du coin tandis que le guide nous conte les traditions qui campent encore l’endroit. Selon les croyances locales, la montagne est sacrée, comme une sorte de divinité. Puisqu’elle était là avant les hommes et perdurera après elle, elle mérite un respect tout particulier. Au sommet, on dépose une offrande parmi les frailejones, des plantes qu’on trouve un peu partout ici. Une quantité impressionnante habite le sommet. Cela crée une ambiance un peu mystérieuse. Le tout avec une vue sublime sur les environs. Que demander de plus ?
Avant-dernière étape de l’itinéraire, Villa de Leyva n’est plus qu’à quelques heures de bus de Bogota. Elle est un lieu très prisé par les Colombiens qui s’éloignent de l’immense ville le temps d’un week-end pour profiter du bon air des montagnes. L’ambiance y est tranquille. Le temps s’écoule lentement. Je profite surtout du cadre montagneux. Outre cela, plusieurs fossiles de dinosaures ont été retrouvés dans la région et sont exposés dans divers musées.
Enfin, je m’arrête en route pour visiter la Cathédrale de sel de Zipaquirá. Le monument a été décrété merveille nationale du pays. Il doit valoir le coup d’œil. Il s’agit en fait d’une ancienne mine de sel d’où étaient extraits différents types de minerais. Une cathédrale a alors été construite directement dans la mine pour que les mineurs catholiques puissent pratiquer leur culte directement sous terre. Aujourd’hui, la mine n’est plus affectée et un chemin de croix a été sculpté dans la roche pour emmener les visiteurs jusqu’à la fameuse Cathédrale de sel. Le monument est incroyablement atypique. Peut-être même unique au monde. De quoi faire la fierté du pays.
Il est alors temps pour moi de retourner à Bogota pour prendre l’avion qui m’emmènera loin de cet incroyable pays qu’est la Colombie. On m’a longtemps vendu cette destination comme étant la plus incroyable de tout le continent. On m’a fait placer de très hautes attentes sur ce voyage. Pourtant, la Colombie a su tenir son rang. Si le temps a tendance à faire oublier les mauvais souvenirs pour ne garder que les bons, j’essaierai de retenir que la Colombie n’a pas encore terminé de se débarrasser des clichés qu’on lui prête en Occident. Mais je ne manquerai pas de noter qu’elle fait plus que son possible pour être une des destinations les plus incroyables de ce monde. Et avec franc succès.