Sous les aurores boréales en Norvège

Road trip au cœur du cercle polaire arctique de Tromsø aux îles Lofoten

Article écrit le 21 mai 2020 | Voyage réalisé en janvier 2019

Quel régal de voir l’hiver se pointer en Belgique. Le froid, le vent, les heures d’ensoleillement qui diminuent à vue d’œil, tous ces petits plaisirs qui rendent la vie plus agréable. Et puis, comment oublier la neige ? Vous savez, ces petits flocons qui s’écrasent délicatement sur le sol pour former une sorte de boue le long des routes et des trottoirs. Difficile d’en vouloir à ceux qui sont tentés de partir chercher un peu de réconfort à l’étranger à cette période de l’année.

Durant les derniers jours de janvier 2019, me voilà donc en route avec quelques amis vers le soleil de Norvège. Pas celui d’Oslo. Non, non, direction le nord du pays, en plein cercle polaire arctique, à Tromsø, la ville la plus au nord de l’Europe. Et même du monde si on considère que l’appellation « ville » ne se justifie qu’à partir d’au moins cinquante mille habitants.

Là-bas, à la fin du mois de janvier, la nuit polaire (deux mois de nuit permanente) vient seulement de se terminer. Ce qui veut dire que les journées durent à peine cinq heures. Et que le soleil ne semble jamais parvenir à atteindre son zénith, comme un coucher de soleil constant. Mais bon, de toute façon le vrai spectacle a lieu de nuit. Parce que bien entendu, si je me retrouve dans le cercle polaire en plein hiver, c’est pour m’essayer à la chasse aux aurores boréales.

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L’art de se faire désirer

« Eh dis donc Jamy, c’est quoi une aurore boréale ? » Bonne question. Pour faire simple, des particules fortement chargées en énergie sont émises par le soleil (ce qu’on appelle le « vent solaire »), pénètrent l’atmosphère et se confrontent au champ magnétique terrestre, généralement non loin des pôles magnétiques (nord et sud). Le vent solaire est alors rejeté dans l’atmosphère où il s’agite dans diverses formes et couleurs, qu’on appelle « aurores boréales ». Ces dernières n’apparaissent pas uniquement une fois la nuit tombée, mais étant donné qu’elles sont beaucoup moins lumineuses que le soleil, il est compliqué de les observer en pleine journée.

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Vu que je suis loin d’être expert sur la question (et que ce n’est pas vraiment le sujet de l’article), on se contentera de ces explications rudimentaires. L’essentiel avant de partir, c’est de savoir que pour avoir la chance d’observer des aurores, en plus d’être le plus proche possible du cercle polaire en pleine nuit, deux principales conditions doivent être réunies. D’abord, un indice Kp (l’activité géomagnétique) le plus élevé possible. Pour ça, pas la peine de chercher à comprendre sa signification exacte, de multiples applications mobiles annoncent l’indice Kp en temps réel par localisation. Ensuite, le ciel doit être dégagé. L’idée est que même si le ciel est couvert d’aurores boréales de toute part, il n’y aura pas grand-chose à voir si des nuages sont plantés devant. En gros, il faut être au bon endroit au bon moment.

Autant ruiner tout de suite le suspense, il a fallu se montrer patient pour admirer ce spectacle nocturne. Et compter sur notre bonne étoile. Mais j’y viendrai.

Route glissante vers les îles Lofoten

D’abord, en route pour les îles Lofoten, au sud de Tromsø. Parce que chasser les aurores boréales la nuit, c’est bien, mais il faut aussi savoir profiter des quelques heures de soleil quotidiennes.

À peine descendu de l’avion, on file déjà vers ces innombrables îles toutes reliées entre elles par autant d’innombrables ponts. Premier arrêt à l’entrée des Lofoten, dans le petit village de Lødingen. Rien de bien incroyable à y faire, c’est surtout une étape d’où on partira explorer les Vesterålen. Oui, ça fait beaucoup de noms norvégiens difficiles à retenir. On tombe presque par hasard sur un chemin de randonnée du côté de Sortland. Ça donne un peu l’impression d’arpenter une piste de ski sans les skis, mais c’est l’occasion pendant plusieurs heures de contempler les multiples nuances de blanc, de la neige s’étalant sur la montagne à la brume couvrant le ciel.

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Randonnée à Sortland entre les sapins enneigés

Problème, le chemin est glissant pour arriver jusque là en voiture. Pas au sens de l’expression. Littéralement. Ben oui, quand il neige un jour sur deux et que le thermomètre ne dépasse pas la barre du zéro pendant des mois, le verglas s’invite rapidement sur les routes. Et les paysages incroyables à chaque tournant n’aident pas à la concentration. Pas plus que la faible luminosité constante. Du coup, il y a là de quoi rendre le voyage un peu plus aventureux. J’écrirais bien qu’au bout d’une semaine, on s’habitue et on devient un pro des dérapages contrôlés. Mais bon, c’est totalement faux.

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Au royaume de la pêche

Le réveil est très matinal, mais malgré ça, on prend un peu de retard avant de quitter Lødingen pour poursuivre l’aventure. Le temps de retrouver les clés de voiture tombées dans une zone inconnue et désormais enfouies sous cinquante centimètres de neige. Il ne nous reste plus qu’à offrir généreusement à notre hôte Airbnb le déblayage de son allée. Sympa.

Ça fera partie de ce genre d’anecdotes qui font aussi un voyage. Dans l’instant présent, on oublie très vite. Parce qu’il y a bien d’autres choses à penser lorsque le paysage semble de plus en plus magnifique à mesure qu’on s’aventure un peu plus loin dans les Lofoten. Les montagnes enneigées côtoient les plages de sables ou de galets quand ce ne sont pas les villages de pêcheurs qui viennent sublimer le décor. Ces fameuses maisons rouges sur pilotis au bord de mer donnent l’impression de se promener dans une carte postale. C’est particulièrement le village de Henningsvær qui retient mon attention. D’ailleurs, plus d’un an après ce périple, il ne me faut pas cinq minutes pour me souvenir de son nom. Bien entendu, la pêche est reine ici. Les poissons sèchent à l’air libre dans les villages. Pourquoi utiliser des frigos quand il fait si froid ?

Le pittoresque village de pêcheur de Henningsvaer
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La mauvaise surprise, c’est quand quelques mètres de neige sur la seule route du coin nous empêchent d’aller jusqu’au bout du road trip. Le risque d’avalanche est apparemment élevé. L’accès est interdit pour au moins plusieurs jours. Ça tombe mal puisqu’on n’a pas prévu de rester plus d’une semaine dans la région. Tant pis, il faut essayer d’oublier qu’il s’agit là, paraît-il, de la plus belle partie des îles Lofoten. Ça ne suffit pas à nous saper le moral. Pendant les journées qui suivent, on continue l’exploration des villages avoisinants, on se promène sur les plages aux pieds des sommets enneigés (notamment l’incroyable Haukland Beach) et on se prend pour des vikings dans le musée de Lofotr dédié à la culture du plus culte des peuples nordiques. Bref, on profite malgré tout. Parce qu’on ne vient pas en Norvège tous les jours.

Une maison sur pilotis aux îles Lofoten
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Et les aurores boréales dans tout ça ?

Je sais, le titre de l’article annonce une chasse aux aurores boréales et il n’y a toujours rien d’écrit à ce sujet.

Comme annoncé dans l’introduction, observer une aurore, ce n’est pas si simple que ça. Tous les voyants doivent être au vert sous peine d’une franche déception. Notre quête a pris des tournures de scénario de film à suspense. Tout partait très mal.

Les premiers jours, le ciel est tellement obscurci qu’il cache la moindre petite étoile. Inutile de partir à la chasse, d’autant plus en constatant avec regret le faible indice Kp qu’annoncent les multiples applications mobiles. Alors on patiente. Encore et encore. La veille du retour vers Tromsø, où on a prévu de passer quelques jours après avoir exploré les îles Lofoten, on a enfin des bonnes nouvelles. Le ciel est enfin dégagé et laisse entrevoir d’innombrables étoiles, un spectacle qui n’est accessible que dans les endroits encore quelque peu préservés par la pollution lumineuse (c’est-à-dire l’exact inverse de ma Belgique natale). L’indice Kp n’est pas particulièrement optimiste, mais ça va bientôt faire une semaine qu’on est là. Il ne reste plus que trois soirées pour espérer offrir le meilleur final au voyage. Alors on n’a pas d’autre choix que de tenter. On attend impatiemment dans le froid de la voiture lorsqu’un léger nuage verdâtre se dessine dans le ciel. Au fond, ça n’a rien de si impressionnant. Il nous faut même plusieurs minutes avant de nous rendre compte qu’il s’agit bel et bien d’une aurore et pas d’un quelconque cumulonimbus. Qu’importe, ça suffit pour le moment. Une première aurore ! Le voyage est réussi et tout le monde est impressionné. Le lendemain, on se rendra compte qu’on n’avait encore rien vu.

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Les vertus de la patience

Qui aurait cru que le trajet de sept heures nécessaire pour revenir jusque Tromsø serait en fait le meilleur jour du périple ? Personne n’est jamais emballé à l’idée de passer la journée dans la voiture. Mais puisque le ciel est une nouvelle fois dégagé et que l’indice Kp s’annonce plus prometteur que jamais, on se rassure en prévoyant des arrêts fréquents pour contempler les aurores boréales.

Au premier arrêt, quelques légères bandes vertes colorent le ciel. Au deuxième, elles sont encore plus nombreuses. Au troisième, c’est tout un arc qui se dessine. Et ainsi de suite jusqu’à l’arrivée dans la ville de Tromsø. On guette à travers la fenêtre pour se rendre compte que le spectacle semble plus impressionnant que jamais. Du coup, on gare la voiture en urgence sur un arrêt de bus, on descend en furie et on s’exclame face à ce ciel coloré de toute part. Plusieurs autres curieux nous rejoignent ensuite, chacun avec la même réaction d’extase en quittant son véhicule. Est-ce que les Norvégiens habitués à ce genre de merveilles finissent par trouver ça commun et rient au nez des touristes qu’ils trouvent ridicules ? Sur le moment, je ne me pose pas la question. Je reste sans voix, le regard figé vers les étoiles jusqu’à mettre mon cou à rude épreuve. Des bandes lumineuses s’agitent à une vitesse folle, multipliant les formes inattendues et se colorant tantôt de vert tantôt de mauve telle une chorégraphie céleste.

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Le lendemain, on grimpe jusqu’au plus célèbre point de vue sur Tromsø, d’où on contemple la beauté de l’île enneigée vue d’en haut. Puis après avoir regardé vers le bas, on attend la tombée de la nuit pour tourner les yeux vers le ciel une dernière fois avant de reprendre l’avion le lendemain matin. On reste de nouveau des heures à observer ces lumières mystiques danser au-dessus de notre tête. Pour rendre le tout encore plus inoubliable, on sort l’enceinte et on fait écouter Pink Floyd au ciel. La danse des aurores prend plus de sens lorsqu’elle est accompagnée de musique.

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