Bain de nature dans le nord du Vietnam:
itinéraire de deux semaines
Deux semaines à voguer entre les décors sauvages de la baie d’Ha Long, Sa Pa et Ninh Binh
Planifier un séjour au Vietnam, c’est excitant. Se renseigner sur le pays, cocher sur la carte les lieux de passage incontournables et planifier l’itinéraire, c’est presque déjà voyager. Sauf que voilà, le Vietnam, c’est grand. Pas facile de faire le tour en deux semaines. Et en plus de ça, le temps passé dans les transports n’est franchement pas négligeable dans cette partie de l’Asie. Difficile de louer un véhicule (on comprendra vite pourquoi en se rendant compte de la folie du trafic sur place), il faut faire tous les trajets en bus (ou en avion, mais avec l’enregistrement, l’embarquement et la sortie de l’aéroport, ça peut aussi prendre une plombe). Alors on s’adapte. Pas trop motivé à l’idée de passer une nuit sur deux dans le bus, je tente d’optimiser au mieux l’itinéraire. Après tout, je suis venu pour profiter des décors extérieurs, pas pour tester tous les moyens de locomotion du pays. Pour ne rien précipiter, je décide de me concentrer sur le nord du Vietnam pour cette fois. Des voyageurs déjà passés par là m’ont en plus dit que c’est la plus belle région. De toute façon, le reste du pays ne va pas s’envoler. J’ai encore toute ma vie pour revenir l’explorer.
De Hanoï à l’une des sept merveilles du monde (2 jours)
Vous saviez que le Vietnam abritait une de sept merveilles du monde ? Pas du monde antique, évidemment, seules les pyramides de Gizeh en Égypte sont encore debout. Pas du monde moderne non plus. Mais une des sept nouvelles merveilles de la nature. La baie d’Ha Long a en effet été placée sur cette liste honorifique en 2011. Et ça tombe bien, les merveilles naturelles, c’est toujours ce qui m’a attiré.
Mais avant ça, atterrissage à Hanoï, la capitale. Ben oui, il n’y a pas encore d’aéroport au milieu d’une zone naturelle inscrite au Patrimoine mondial de l’UNESCO. Et heureusement d’ailleurs.
Quitte à être à Hanoï, j’en profite pour m’immerger une journée dans la ville. Ce ne sont pas encore les décors sauvages pour lesquels je suis venu, mais c’est tout de même la capitale du pays. La cité aux huit millions d’habitants a son charme certain. C’est la première fois que je me retrouve plongé dans une grosse métropole d’Asie du Sud-Est. Les centaines de scooters qui grouillent sur les routes m’obligent à slalomer entre eux à chaque changement de trottoir. Ils démontrent une certitude : je ne suis plus en Occident. Rien à voir avec mes précédents voyages en Europe ou en Australie. Tant mieux, c’est pour ça que je suis ici. J’explore quelques pagodes (notamment celle de Tran Quoc qui vaut la peine d’être vue). J’assiste à un spectacle traditionnel de marionnettes sur l’eau (expérience aussi agréable). Mais surtout, je m’étonne de voir passer le train en pleine rue en plein centre-ville. La vie des habitants (ou plutôt des commerces locaux, chacun profite du tourisme comme il peut) est rythmée par les horaires de passage du train. C’est plutôt atypique et même si les riverains sont habitués à accueillir les touristes, il n’y a pas non plus une foule de curieux qui s’agglutine le long des rails de chemin de fer. En théorie, l’accès est interdit aux visiteurs pour des raisons de sécurité. Mais le policier planté à côté d’une barrière ne bronche pas quand une des commerçantes de la rue m’invite à venir prendre un verre dans son café. Le tourisme avant tout.
Sur la baie d’Ha Long, naviguer entre les îles karstiques (3 jours)
L’inconvénient de la baie d’Ha Long, c’est que, pour la visiter, il faut obligatoirement opter pour une croisière (généralement une, deux ou trois journées). En même temps, pour naviguer entre les îlots karstiques, ça semble logique. J’abandonne vite l’idée de planifier moi-même la découverte de cette merveille naturelle. Pas fan des tours organisés, me voilà embarqué dans une croisière de trois jours tout compris avec une quinzaine d’autres touristes. Mais quand j’aperçois l’allure bancale du petit bateau qui nous emmène, je me dis que ça pourrait finalement être plus aventureux que prévu.
De multiples excursions sont prévues pour nous occuper pendant ces deux premiers jours à voguer sur la baie : visite d’une ferme perlière, balade en kayak, découverte de plusieurs grottes ou encore cours de cuisine vietnamienne. Rien de bien folichon, la liste des activités reste (très) sensiblement similaire peu importe la compagnie qui propose la croisière. Notre itinéraire est tout aussi classique avec l’arrêt sur l’île Ti Top, dont le sommet offre une vue imprenable sur la baie. Le gros désavantage quand tout le monde suit le même itinéraire, c’est que les bateaux avancent en file indienne. À la limite, ce n’est pas si dérangeant, ça n’enlève rien à la beauté du décor. Mais quand il faut aussi se faufiler entre les touristes à chaque excursion, là ça n’a plus rien d’amusant. Au final, le plus agréable reste de flâner sur le pont en admirant les immenses rochers recouverts de verdure qui transpercent la mer pour s’élever vers le ciel.
La deuxième partie de la croisière nous emmène sur l’île de Cat Ba. Et franchement, ça en vaut beaucoup plus la peine. La plupart des voyageurs qui nous accompagnent ne poursuivent pas le tour au-delà de la baie d’Ha Long. Du coup, on se retrouve en groupe réduit de six personnes. Ça soulage enfin après la foule des premiers jours. Un petit speedboat nous emmène à toute vitesse dans une partie de la baie moins embouteillée avant d’arriver sur Cat Ba, où on prend un taxi jusqu’à notre logement. On a un peu de mal à comprendre que même si tout le monde a réservé le même tour, chaque binôme se retrouve à un hôtel différent. Surtout quand tous ces immenses hôtels paraissent totalement vides et qu’on ne se retrouve qu’à deux dans le restaurant face au buffet à l’heure du dîner. C’est un sentiment plutôt spécial, il faut l’avouer. Pourquoi pas, après tout ?
Le temps de randonner à travers la végétation dense du parc national de l’île, la visite d’un village flottant sur la baie de Lan Ha et puis on repart vers le continent. À l’arrivée, Cat Ba restera le meilleur moment de ces trois jours. Sans discussion. Pour son calme et ses décors incroyables. Je regretterais presque d’être passé par la baie d’Ha Long avant ça. Au moins, je pourrai toujours me vanter d’avoir vu l’une des sept merveilles de la nature.
À Sa Pa, les rizières à perte de vue (3 jours)
Une demi-journée de bus plus tard, j’arrive à Sa Pa. La ville pointe à 1500 mètres d’altitude et est surtout prisée pour être le point de départ de nombreux treks à travers les rizières. Les touristes affluent toujours de toute part, mais mis à part ça, le changement de décor est total. La baie a cédé sa place à une chaîne montagneuse. Les îlots karstiques ont cédé leur place aux rizières. Le ciel nuageux et les températures estivales ont cédé leur place au soleil et au froid. Avant de m’aventurer dans les paysages dessinés par la culture en terrasses de la riziculture, j’enfile une veste et je pars à la conquête du toit de l’Indochine, le mont Fansipan.
Le plus haut sommet du Vietman culmine tout de même à 3143 mètres. Depuis Sa Pa, il faut compter deux ou trois jours de marche. Ce n’est pas l’envie qui manque, mais je n’ai pas autant de temps à consacrer à l’ascension. Et, honnêtement, l’envie manque un peu aussi. Le côté pratique, c’est que via le téléphérique, on y est en vingt minutes. Malin. La vue sur la vallée depuis la cabine est magnifique, le ciel est dégagé et laisse entrevoir le paysage à perte de vue. En cette période de l’année, la brume a coutume de s’incruster dans le décor. Pourtant, je ne compte qu’un seul nuage dans tout le ciel bleu. Par contre, bien entendu, il est pointé au sommet du mont Fansipan. Dès que le téléphérique s’approche de sa destination, il devient impossible de voir à plus d’un mètre devant soi. Heureusement, le chemin jusqu’au pic est bordé de temples et de statues. Tout n’est pas perdu. Ça a aussi son charme de se promener dans un nuage, non ? Qui a parlé de frustration de se retrouver sur le toit de l’Indochine sans pouvoir admirer la vue ?
De toute façon, c’est avant tout pour les rizières qu’on vient à Sa Pa. Je prends une claque devant l’ampleur hallucinante de la vallée de Muong Hoa. Nous sommes en février tandis que la saison de la riziculture s’étend plutôt de mai-juin jusqu’au mois d’octobre. Ce n’est pas du tout le moment recommandé pour admirer la région. Les rizières sont au repos et plutôt boueuses. Peu importe, ça reste magnifique. Notre guide local nous emmène slalomer entre les collines taillées en escaliers. On est sur une piste touristique. Aucun doute à y voir les différents groupes de curieux se suivre sur les sentiers. Encore moins quand il faut se frayer un passage entre les enfants (surtout) et adultes qui insistent pour nous vendre des babioles en tout genre.
Un passage franchement pas nécessaire au village de Cat Cat (un village prétendument traditionnel mais en réalité plutôt une attraction touristique qui semble construite de toute pièce) ponctue la journée. Le lendemain, dernier jour dans la région, c’est reparti pour une nouvelle randonnée à travers les rizières. Je ne me lasse toujours pas de ces décors façonnés par la culture en terrasses. Dire que, pourtant, la beauté de l’endroit n’a qu’une fonction pratique. Tout ça pour du riz.
L’enfer du bus à couchettes
Je file ensuite vers Ninh Binh pour la conclusion de ces deux semaines. Enfin, je « file » à bord d’un bus à couchettes. La première mauvaise idée est sans doute de faire le trajet de jour. Il y a un aspect pratique incontestable à disposer des couchettes en lieu et place des sièges pour faciliter le sommeil pendant les longues distances nocturnes. Mais en sortant d’une bonne nuit de sommeil, ça devient vite désagréable. Par contre, pour filer, il file le bus, aucun problème là-dessus. Le chauffeur slalome à toute vitesse entre les voitures, use son klaxon comme un conducteur européen utilise les clignotants (ou plutôt est censé utiliser les clignotants) et, après cinq minutes, on est plus trop sûr de savoir s’il est supposé doubler par la droite ou par la gauche. Mais vu que le bus s’arrête toutes les heures (au minimum) pour une durée indéterminée selon le bon vouloir des Vietnamiens qui montent, descendent, déposent un colis ou récupèrent un paquet venu d’on ne sait où, le trajet s’éternise. Difficile de se souvenir avec précision de la durée exacte du parcours. Sans doute quelque chose compris entre neuf heures et deux semaines. Ce qui est sûr, c’est qu’on est bien content quand le chauffeur nous jette (oui, vraiment) sur un parking perdu au milieu de nulle part. De là, quelques chauffeurs de taxis accueillent les passagers avec un grand sourire (sans même faire cet effort en réalité, ils n’en ont pas besoin, on n’a pas d’autre choix). Tout le monde s’incline, chacun n’a qu’une idée en tête : enfin atteindre son hôtel.
Vu l’arrivée tardive, je ne découvre qu’au petit matin à quoi ressemble Ninh Binh, enfin Tam Coc pour être précis, il n’y a pas grand-chose à voir à Ninh Binh même. J’ai un peu l’impression d’être de retour à la baie d’Ha Long. Pas besoin de réfléchir pour comprendre pourquoi la région est surnommée « la baie d’Ha Long terrestre ». Des rochers karstiques s’échappent non plus de la mer mais de la terre cette fois. Le spectacle est toujours aussi impressionnant.
Ninh Binh : Retour aux paysages karstiques (4 jours)
Sous les conseils de l’hôte du Lodge où j’ai réservé trois nuits à Tam Coc (qui de mieux pour me conseiller ?), j’explore d’abord la région en vélo. Et, franchement, quel meilleur moyen de transport pour admirer paisiblement la région ? Ça change du bus à couchettes où il fallait guetter tant bien que mal par la fenêtre pour à peine apercevoir un bout de paysage le long de la route. Prendre son temps pour admirer la nature autour de soi est vraiment le mot d’ordre de la journée. En descendant la rivière Trang An en barque, je profite du calme des lieux et de la lenteur de la petite embarcation qui nous emporte pour contempler le grandiose des massifs rocheux et le mystère des grottes que nous traversons. Il faut deux heures pour boucler le tour des lieux qui ont récemment servi au tournage du dernier « King Kong : Skull Island ». Honnêtement, je me fiche complètement de savoir qu’un nanar hollywoodien a été filmé ici. Pas besoin de ça pour s’émerveiller devant l’irréelle beauté du paysage.
La visite de l’ancienne capitale impériale Hoa Lu ne me marque pas autant. Peut-être a-t-elle un peu de mal à supporter le poids de la comparaison avec Trang An. Mais pas certain, puisque Hang Mua, de son côté, ne souffre d’aucun complexe d’infériorité. 500 marches mènent au sommet de ce point de vue à 360 degrés. De tout en haut, je longe la statue de dragon plantée au sommet. Puis je m’offre un regard différent mais tout aussi fou sur les décors que j’ai admirés depuis le sol toute la journée. Quelle entame pour Tam Coc !
Le problème d’un début si impactant, c’est qu’on ne peut pas s’empêcher de s’attendre à la même intensité pour la suite du séjour. C’est humain, j’imagine. La randonnée dans les forêts du parc national de Cuc Phuong (je ne retiendrai que la visite d’un centre de réhabilitation pour singes et tortues) et la découverte de la pagode de Bai Dinh (la plus grande pagode du Vietnam construite il y a tout juste une dizaine d’années me donne surtout l’impression de déambuler dans le Disneyland des temples) peinent à induire les mêmes émotions durant les jours suivants.
Il me faut attendre la toute dernière excursion de mon périple au Vietnam pour retrouver un même niveau de plaisir contemplatif. Avant de partir, notre hôte nous conseille de passer par le parc national de Thung Nham, connu pour être une réserve naturelle pour diverses espèces d’oiseaux. Et de fait, quel spectacle de voir ces milliers de volatiles prendre leur envol d’arbre en arbre. La nature luxuriante semble épuiser toutes les nuances de vert existantes. Il n’y a pas à dire, le Vietnam sait comment dire au revoir pour qu’on ne l’oublie pas.