L’île de Jeju, merveille du monde
Itinéraire de deux semaines en Corée du Sud, d’une ville à une montagne, d’un temple à un autre, sur un fond de K-Pop : deux jours sur Jeju (2/3)
Ma relation avec les « merveilles du monde » est conflictuelle. D’abord, ces fameuses listes des « sept nouvelles merveilles du monde » et des « sept nouvelles merveilles de la nature » ont été désignées par un vote international sans absolument rien d’objectif. De toute façon, comment choisir, parmi toutes les beautés de notre planète, seulement sept lieux ? Ensuite, j’ai souvent été déçu par les « merveilles » que j’ai eu la chance de visiter. Chichén Itzá était peut-être le temple maya que j’ai le moins apprécié au Mexique. La baie de Hạ Long m’avait laissé un sentiment mitigé au Vietnam. Pour le Machu Picchu par contre, rien à dire. L’île de Jeju fait aussi partie des « sept nouvelles merveilles de la nature ». Alors, je m’inquiète un peu avant d’y atterrir. Même si, terre de paysages rocheux, de cascades et d’un volcan en son centre, l’île paraît incroyable.
Les premières timides lueurs du soleil
Nous prenons l’avion après avoir entamé notre périple en Corée du Sud par quelques jours à la découverte de Séoul. Notre vol nous dépose, mes deux potes et moi, en soirée. Le temps de récupérer notre voiture de location à l’aéroport et de filer à notre hôtel, il est déjà minuit passé. Nous passerons aux choses sérieuses le lendemain. Au réveil, les paysages de l’île volcanique se découvrent timidement. Très timidement en fait. Les nuages et la brume n’ont pas l’air de vouloir leur laisser le chemin. Je ne sais pas si nous avons choisi la mauvaise saison ou si nous manquons juste de chance – nous sommes pourtant à la fin du mois de mars, mes recherches m’avaient laissé croire que la période n’était pas mauvaise – mais le temps n’est pas notre ami. Mon avis sur les deux jours que nous passons à Jeju en sera forcément biaisé.
La priorité, sur cette petite île prisée des touristes coréens, c’était l’ascension du mont Hallasan. La randonnée était censée occuper toute une journée de notre temps et nous offrir une incroyable vue sur le cratère et les paysages environnants. Sauf que ce volcan, même depuis son pied, nous ne le voyons pas. Il est caché derrière la brume et il ne se découvrira que par courts fragments jusqu’à notre départ. Du coup, pas de randonnée sur le volcan pour nous.
C’est à Seogwipo que nous logeons, plus simple que la ville de Jeju comme point de départ pour les expéditions. Nous accusons encore un peu le coup depuis notre découverte de la grisaille. Après tout, si nous avons fait tout ce chemin depuis la Belgique, ce n’est pas pour emmener le ciel gris avec nous. Nous partons à la découverte des nombreuses cascades qui délimitent la fin d’une falaise et le début d’une autre. Elles sont partout sur Jeju. Un peu par hasard et presque par erreur, nous nous retrouvons devant Sojeongbang. Nous comptions en fait nous rendre à Jeongbang. Admettez que la confusion n’est pas insensée. Les cascades sont situées à quelques centaines de mètres l’une de l’autre. La seule différence, c’est que Sojeongbang est très petite, pas vraiment impressionnante, tandis que Jeongbang est, elle, un incontournable. Émergeant entre les rochers, l’eau se jette dans la mer dans un décor de rêve. La seule raison pour laquelle nous ne regrettons pas d’avoir passé une tête à Sojeongbang, c’est qu’en chemin, nous rencontrons une bande de touristes coréens. Tous (très) imbibés d’alcool, ils rient en nous voyant, nous montrent du doigt et finissent par se prendre en photo avec nous. La communication est difficile, leur anglais est loin d’être parfait et leur taux d’alcoolémie n’aide sans doute rien. Comment leur en vouloir ? Ils sont en vacances, c’est la fête. Et puis, il est déjà 10 heures du matin…
Face à la mer
Notre itinéraire continue de longer la côte sud en direction de l’ouest. L’étape finale est supposée être les cascades de Cheonjeyeon. D’abord, nous nous arrêtons à Oedolgae. Le décor n’a pas énormément changé par rapport à Jeongbang. Ici encore, un sentier fait face à la mer, longeant les falaises rocailleuses. Le ciel gris gâche un peu le paysage. Les couleurs sont ternies par la brume et la pluie. Oedolgae est un pinacle émergeant de l’eau face aux falaises. Ce n’est pas tant lui-même que le cadre autour de lui qui fait l’intérêt de la balade.
Le seul arrêt imprévu sur notre planning sera finalement le plus beau de la journée. Pour une raison que j’ignore encore, nous n’avions pas noté le temple de Yakcheonsa dans notre liste des endroits à visiter sur Jeju. Pourtant, lorsque nous l’apercevons en bord de route, nous n’hésitons pas un instant. Le temple se hisse par-dessus les arbres tropicaux. Il est immense. La vue depuis l’extérieur est incroyable, peut-être encore magnifiée par l’inattendu. Nous grimpons les quelques marches pour atteindre l’entrée du site. Nous retrouvons le rouge et le vert caractéristiques, qui nous avaient déjà frappé l’œil aux palais impériaux de Séoul. Mais nous découvrons surtout une sublime symétrie entourée de végétation. De tous les lieux traditionnels que nous avons vus en Corée, celui-ci est peut-être, a posteriori, mon préféré.
Cette folle découverte laissée derrière nous, il est temps de poursuivre la route. Nous nous aventurons aux rochers de Jusangjeollidae. Ou falaises. À dire vrai, je commence à être à court de synonymes. Tout est très beau, mais assez ressemblant à ce que nous avons pu voir à Oedolgae plus tôt dans la journée. Ou peut-être que nous commençons à nous lasser de déambuler sous la pluie. Au moment d’enfin arriver aux cascades de Cheonjeyeon, l’heure de fermeture est passée depuis quelques minutes à peine. Impossible d’encore espérer entrer. Ça doit vouloir dire qu’il est temps de prendre la direction de notre hôtel. Ce n’est pas bien grave, le trajet en valait la peine.
Toujours pas de volcan, toujours pas de soleil, mais des belles plages
Au deuxième réveil, nous découvrons avec stupeur une vue sur le mont Hallasan depuis notre chambre d’hôtel. Soit il est miraculeusement apparu durant la nuit, soit il était là depuis le début, derrière les nuages. J’aurais tendance à pencher pour la deuxième option. Enfin ! L’ascension du volcan sera peut-être possible. Le problème, c’est que nous sommes très vite coupés dans notre lancée. Chaussures de randonnée déjà aux pieds, sac-à-dos prêts, nous jetons un dernier regard par la fenêtre. Tout gris. Le soleil a à peine eu le temps de se lever que, déjà, les nuages l’ont rattrapé. Un peu par dépit, nous changeons notre plan. Après tout, ce sont les aléas de tout voyage.
Puisque nous sommes partis vers l’ouest hier, direction l’est aujourd’hui. Sans trop connaître, nous nous laissons tenter par la visite du Jeju Folk Village. Sur les images du web, ça paraît intéressant, il semble même y avoir une petite cascade. Pour la cascade, on repassera. Plutôt une fontaine artificielle devant l’entrée. Pour le reste, le village folk est plutôt grand, les constructions typées traditionnelles apportent une vision de ce qu’était la Corée du Sud autrefois, et quelques activités animent les lieux. Par contre, ce n’est pas vraiment le genre de lieu que j’apprécie. Tout est fabriqué, rien n’est authentique, les familles déambulent derrière les guides et à chaque coin campent des activités ou spots photos. En fait, c’est du tourisme, pas du voyage. C’est plutôt une activité pour ravir les familles et les enfants. Tout ça pour un prix démesuré.
Le point d’orgue supposé de notre aventure vers l’est, c’est le Seongsan Ilchulbong. Un immense rocher volcanique qu’il est possible de grimper. Là, ça ne déçoit pas. La vue depuis la plage est déjà magnifique. L’ascension est courte, pas vraiment difficile, et la récompense est trop belle pour l’effort. D’un côté du sommet, toute l’île, ou presque, se découvre à nous. De l’autre, nous apercevons les bords du cratère. Même le brouillard ne gâche pas totalement la vue. Ici s’écrit sans doute notre meilleur souvenir de Jeju.
Nous nous octroyons un dernier arrêt le long de la plage Hamdeok, un peu par hasard, pour tuer le reste du temps en notre possession. Quelques palmiers, du sable fin et un court chemin grimpant. Au sommet, nous devinons les nuances bleutées de l’océan. Une bonne manière de boucler notre passage.
Et donc Jeju, dans le top 7 des merveilles de la nature, ou pas ?
Alors, cette île de Jeju, merveille du monde ou pas ? D’abord, je n’ai aucune légitimité particulière pour que mon avis fasse acte de vérité. Pas plus que n’importe qui, d’ailleurs, pourrait décider quelles seraient les « sept nouvelles merveilles du monde », les « sept nouvelles merveilles de la nature », ou je ne sais quel autre top 7. Je ne fais que partager un modeste avis de voyageur tout aussi modeste. Ensuite, la météo a influencé mon expérience. Il est clair que l’île n’aurait été que plus belle sous un ciel bleu. Jeju n’en reste pas moins magnifique. Ses falaises, ses cascades, sans doute son volcan aussi, font indéniablement partie des merveilles de la Corée. Il y a là de quoi en faire une superbe destination pour une escapade de quelques jours au Pays du Matin Calme, loin de l’agitation des villes. Tout de même, de là à la considérer comme une « merveille de la nature », en estimant en plus qu’il n’en existerait que sept sur notre immense planète, ça me semble un peu fort de café. C’est même desservir cette destination pourtant sublime, en surévaluant les attentes que l’on peut placer en elle. Les prochaines étapes de notre voyage en Corée du Sud nous accueilleront d’ailleurs avec des décors naturels encore plus resplendissants. D’autres merveilles de la nature, oserais-je écrire.